L’entraîneur de club, à la base
Source : Radio-Canada, Dominick Gauthier
On dit souvent que, dans la vie, on n’a pas une deuxième chance de faire une première impression. Ce principe trouve une résonance particulière dans le domaine du sport, où ce moment clé détermine souvent si un enfant décidera de poursuivre ou non la pratique du sport en question.
Je viens tout juste de vivre cette situation une fois de plus avec mes propres enfants. À chaque nouvelle adhésion à un club sportif, je ressens une certaine nervosité, car j'espère de tout cœur qu’ils y vivront une expérience positive.
Cependant, cette fois-ci était différente : pour la première fois, je confiais mes enfants à un club de ski acrobatique, mon sport.
Nous habitons actuellement hors du Canada, et les jeunes entraîneurs du club n’ont aucune idée de qui nous sommes, même la maman, ma conjointe Jennifer Heil, qui est pourtant championne olympique de la discipline.
J’étais nerveux, car je savais pertinemment que cette première fin de semaine sur la neige avec le club allait être déterminante pour la suite des choses. Contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, je me fichais éperdument des compétences techniques de ces entraîneurs. Mon unique espoir résidait dans leur capacité à partager le plaisir d’être sur les pentes et que mes enfants éprouvent autant de plaisir dans les remontées mécaniques qu’à dévaler les pistes sur leurs skis.
Le bonheur ultime s’est manifesté lorsque nous sommes allés les récupérer en fin de journée, et qu’ils nous ont suppliés de remonter avec eux en haut de la montagne. Ils étaient impatients de nous montrer les falaises qu’ils avaient sautées et les sous-bois qu’ils avaient explorés. Mon plus jeune a même demandé à être inscrit immédiatement pour la saison suivante, qualifiant ce week-end de ski comme le meilleur de sa vie.
Pourtant, mes enfants n’avaient aucun ami déjà dans le club, les conditions de ski étaient exécrables et ils étaient loin d’être les meilleurs dans leur groupe, mais leurs entraîneurs étaient, selon leur propre terminologie que je ne maîtrise pas toujours, tout simplement cool.
La chance d'avoir un Jérémie
La raison pour laquelle je partage ma petite anecdote familiale est qu’elle vient confirmer ce que je clame haut et fort depuis toujours. Que ce soit parce qu’on veut des jeunes plus actifs dans notre société ou qu’on espère avoir un système sportif qui produira plus de champions, dans les deux cas, cela passe par les entraîneurs de club et de région. Il faut absolument leur accorder plus d’importance et bien les soutenir afin qu’ils désirent partager leur passion le plus longtemps possible.
Ces dernières semaines, sur le circuit de la Coupe du monde de ski de bosses, on remarque que plusieurs Canadiens se sont rendus au tour final. On y trouve particulièrement un trio de skieurs provenant tous du Club de ski acrobatique Mont Sainte-Anne : Louis-David Chalifoux, Julien Viel et Elliot Vaillancourt. Ces 3 Amigos (tel que surnommés par CBC) commencent à se hisser régulièrement dans le groupe de tête et même, parfois, à rejoindre Mikaël Kingsbury sur le podium, comme l’a fait Vaillancourt en France la fin de semaine dernière.
En plus d’être tous des étudiants en ingénierie à l’Université Laval, ces trois skieurs ont eu la même chance, celle d’avoir Jérémie Simard comme entraîneur dès leurs débuts en ski acrobatique. Je connais Jérémie depuis de nombreuses années, ayant même eu le privilège de l'entraîner quand il participait à mon camp de ski estival, à Whistler, dans les années 90. J’en ai vu plusieurs, des skieurs, dans ma vie, mais rares sont ceux qui partagent le même niveau de passion que Jérémie pour le ski de bosses.
Malheureusement, le rôle de l'entraîneur de club est généralement moins valorisé que celui de l'entraîneur de l’équipe nationale. Pire encore, parce qu’on ne valorise pas assez le rôle, on s’attend à ce que cela soit fait de façon quasi bénévole. C’est pourquoi les entraîneurs de club qui veulent en faire une carrière vont souvent évoluer, comme un athlète, vers les équipes provinciales et nationales.
Cette réalité mène à la perte de personnes de grande qualité au niveau où leur impact est le plus crucial pour l’avenir du sport. Heureusement, pour les 3 Amigos et les milliers d’athlètes qui sont passés par le club Mont Sainte-Anne au cours des 20 dernières années, Jérémie Simard semble comblé simplement par le fait de voir un jeune de plus tomber amoureux du ski de bosses.
La culture d’un club est tout aussi importante pour les athlètes que pour le groupe d'entraîneurs et les nombreux parents bénévoles qui permettent la tenue de compétitions et autres événements. La fierté d’être associée à un club où le dépassement de soi passe par le plaisir est contagieuse. On crée donc un environnement où tout le monde désire s’impliquer et contribuer à l’énergie positive ambiante.
Un Jérémie partage sa passion dès qu’un jeune se joint au club.
Un Jérémie facilite le développement athlétique et psychologique des jeunes skieurs.
Un Jérémie enseigne les éléments techniques critiques pour bâtir la fondation des skieurs.
Un Jérémie permet aux entraîneurs des autres niveaux (provincial et national) de simplement perfectionner le travail déjà bien entamé.
Un Jérémie attire d’autres Jérémie à devenir entraîneurs.
Un Jérémie permet à des milliers d’enfants de vivre les plus belles années de leur vie sur les pistes de ski, et à une poignée de skieurs de s’épanouir dans le système compétitif, jusqu’aux Jeux olympiques.
Si l’on veut gagner à tous les niveaux et que nos enfants aiment leur sport comme mes enfants, qui viennent de tomber amoureux du ski acrobatique, on doit absolument développer et retenir les meilleures personnes, dans tous les clubs sportifs au Canada.